« Deepa a été violée et assassinée ». Cette terrible nouvelle nous a frappés comme un éclair. Les nouvelles de viols et de meurtres sont de plus en plus fréquentes en Inde, surtout dans l'État de l'Uttar Pradesh. Nous sommes confrontés maintenant à notre tour à cette terrible réalité.
Deepa était l'une des jeunes filles parrainées par notre centre de Rahrai, nous l'aidions à réaliser son rêve d'études supérieures. Elle avait choisi la filière scientifique, elle était inscrite dans l'enseignement secondaire supérieur et travaillait dur pour obtenir de bons résultats. Elle voulait faire carrière dans le domaine médical. Son père était décédé il y a quelques années, elle avait 3 frères et soeurs. Deepa, l'aînée de la famille, était le principal soutien de sa mère. Quiconque a croisé le chemin de Deepa dira qu'elle était une fille mûre, travailleuse et très gentille.
Que s'est-il passé ?
Le 10 mars 2020, jour de la fête de Holi (la célèbre « fête des couleurs »). Deepa et sa petite sœur sont allées couper de l'herbe pour le bétail vers 13h dans leur champ. À un moment donné, elles se sont séparées et, ne pouvant retrouver Deepa, sa sœur est rentrée chez elle pour prévenir la maman. Celle-ci est arrivée en courant et a trouvé le corps de sa fille dans le champ.
Les voisins ont accouru à leur tour et ont immédiatement transporté le corps dans une clinique locale à l'arrière d'une moto. Ensuite, le Pradhan (chef du village) a amené le corps au bord du Gange et l'a fait brûler sur le ghat (selon la tradition hindoue). De cette façon, il n'y avait aucune trace de son corps, ni aucune preuve du crime, en quelques heures elle avait tout simplement disparu ! La maman se sentait complètement impuissante, elle n'a pu avoir aucune influence sur la situation.
Nous voulions que justice soit faite pour Deepa et sa famille !
Après avoir appris l'incident, notre équipe est allée rendre visite à la maman. Elle était seule avec ses enfants, le cœur brisé. Nous avons été choqués d'apprendre tout ce qui s'était passé. Pas de « FIR » (First Information Report), pas d'enquête de police… Cela montrait clairement une volonté d'enterrer les preuves d'un crime odieux.
Rapidement, nous en avons informé la police. Nous sommes retournés voir la maman avec l'intention de l'aider, mais entre-temps, la situation avait changé… nous n'étions plus les bienvenus. Visiblement, certains tenaient à protéger les meurtriers. Heureusement, la police a convaincu la maman à témoigner et l'enquête a pu commencer. C'était juste au début du confinement, nous n'avons donc plus pu circuler librement, mais nous avons pu suivre les informations dans le journal local. Le 22 juin, la nouvelle de l'arrestation de trois suspects a été publiée !
L’Uttar Pradesh, un état dangereux pour les femmes
L'Uttar Pradesh est l'un des états en Inde où les crimes contre les femmes sont les plus nombreux et malheureusement la plupart des criminels ne sont jamais pris ou condamnés. Nous sommes heureux et reconnaissants envers les policiers qui ont rendu justice à Deepa.
Chaque année, Deepa venait accompagnée de sa maman à l'école de Rahrai pour récupérer ses livres. L'esprit de Deepa restera avec nous et nous motivera à travailler toujours plus pour donner de la force aux jeunes filles et leur apporter la justice !
C'est en 2012 que les autorités ont pris la mesure de la gravité des violences faites aux femmes. Une étudiante de 23 ans avait subi un viol collectif dans un bus à Delhi. Elle est morte quelques jours plus tard des suites de ses blessures. Les quatre coupables ont été pendus en mars 2020. Pourtant, le nombre des crimes à caractère sexuel continue d'augmenter. Des dizaines de milliers de viols sont signalés en Inde chaque année.
* Deepa n'est pas son vrai nom, pour des raisons de confidentialité, nous avons décidé de changer son nom et de ne pas publier sa photo.